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Pendant plusieurs mois, nous nous sommes promenées, en forêt, sur les bords des chemins, au milieu de villes citadines - au coeur de Paris, ou villes parcs - en bordure de la capitale. Nous emmenions au cours de ces promenades des stylos et un peu de papier, sait-on jamais...

 

De ces déambulations est née la seconde forme de canopée, une envie d'écrire ensemble, par concertation directe, sous forme d'ateliers d'écriture. Nous nous voyons et écrivons en groupe, ou nous nous proposons d'écrire sur un même thème et nnous échangeons les textes de visu. Nous décidons d'un thème lorsque nous nous voyons, soit parce que l'une d'entre nous a une idée, soit parce qu'elle émerge sur le moment des envie et des hasards, des circonstances.

 

Le lien et le projet sont avant tout à échelle humaine, nous sommes peu, nous nous connaissons réellement (ce qui n'est pas le cas du premier bloc de numéros, où chacun peut envoyer un texte sans avoir jamais rencontré les autres). Nous ne sommes que des femmes – c'est un fait imputable au hasard, avec des sensibilités proches et complémentaires.

 

Aussi cette série de numéros de Canopée progresse-t-elle, lentement mais sûrement, vers une écriture commune.

Le thème du premier numéro est choisi par Zoé, et plus qu'un titre, il est le point de départ de nos écritures

Pour le second numéro, nous partons de ce que nous avons autour de nous dans un café : une phrase de magazine : "Allez de l'avant", et une photo de Kaï, prêtre et juge de l'Egypte Antique.

Le troisième numéro commence avec un jeu, un cadavre exquis réalisé ensemble dans l'intention de créer avec les mots trouvés des scènes de théâtre. Ainsi, chacune repart chez elle avec un ensemble de mots donnés par toutes les autres, et avec elle crée une scène de théâtre, dont la forme, le nombre de personnages,... sont librement choisis.

Le dernier numéro ne pouvait être que la continuation évidente de cette ligne-là : nous avons essayé, en nous rencontrant, d'ecrire toutes ensemble une scène, faisant partie de l'histoire que pouvaient former toutes les autres scènes, en écrivant chacune une réplique, les unes à la suite des autres.

C'est ainsi que de cadavre exquis nous sommes passées à du théâtre exquis...

Ces expérimentations, loin des textes achevés et définitifs que l'on peut trouver dans un monde de mise en page et de communication, sont à proprement parler des échapées belles. Echapées de la route vers la forêt, de l'explication vers un brin de poésie, du boulevard vers un chemin de traverse, de l'argumentation vers un peu de paroles gratuites mais ensemble. Peut-être sommes-nous nous-même les échappées, échappées pour quelques heures ou quelques mois aux contraintes de la raison toute puissante, pour chercher par la beauté, mais une beauté morale, à entrer autrement dans le monde ; aller de l'avant avec notre conscience, juge sans préjugés. Et faire parler nos personnages, sur la scène d'un théâtre exquis (du latin exquisitus : choisi), un théâtre intime dont notre volonté consciente commence à choisir les contours pour les présenter au monde.

Aurélie Rauzier

Revue littéraire trimmestrielle biennale

CANOPÉE

Théâtre exquis: cinq doigts

2014

Échappées belles

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