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Prologue
Le choryphée :
Je nous ai vus danser. Cet immense ballet. Chaque femme avait un partenaire, et l’entraînait. D’abord lentement, puis un peu plus vite, encore un peu plus vite, et toujours un peu plus vite, encore plus vite, encore un peu plus vite, de plus en vite, vite, vite, encore, un peu trop vite, un peu plus vite, encore un plus vite, toujours très vite, un peu trop vite. Et un pas s’est déplacé.
Un os a commencé à craquer. Un visage s’est détraqué ; et un rire est apparu. La chair s'est déchirée, est devenue molle, les squelettes électriques - nous avons sursauté. Et je voyais ces pantins, ces corps mous et répandus à terre. Par terre, nous nous sommes blessés – ouvert au bas du ventre. De l'or a coulé.
Alors j'ai pensé qu'il faudrait retrouver l’origine de tout ça. Raconter l’histoire...
Au début, tout était beau et clair. Nous les petites filles nous promenions l’hiver la nuit dans la neige. Nous étions des enfants et nous vivions éveillées. Nous n’avions pas pu faire de mal.
Un jour, nous sommes arrivées au pied de l’arcensoir. C’est un immense arbre, au haut duquel nous sommes montées, sur la plus hautes branche ; et de là, nous avons pu voir ces masses d'hommes et de femmes affluer en dormant, se rencontrant, se reconnaissant, se mélangeant.
Mais le soir est tombé et il a fallu redescendre.
Au pied de l’arbre, c’est arrivé, et ça nous a prises. Ca nous a emmenées, en prisonnières, sous l’arcensoir.
Ca n'a pas de visage ; ça nous a retourné les yeux de l’autre côté, et ça nous a fait mourir.
Alors depuis, toutes ces petites plaies de lumière qui nous tachent dessus et nous agrippent sont les morsures de l'arcensoir. Il est l'arc, la courbe qui en tombant comme la nuit finit par se retrouver elle-même ; formant ainsi le cercle qui devient trou, par des millions de points de couleurs qui fusent et giclent sur nous, pour nous mordre, nous appeler et nous rappeler : il y aura un jour à rentrer en ce monde qui marche autour du nôtre à pas feutrés.