Adam, Sophie, Irme, Galaad
La nuit, dans la brume
Adam _ Je passe mon chemin ; c’est ce que j’ai fait de mieux.
Sophie _ Tu dis n’importe quoi ! Ne traînons pas, je suis inquiète, on n’y voit plus rien…
Un temps. Un bruit sourd.
Irme _ Ca va pas, non ?!
Adam _ Pardon, mademoiselle, je ne vous avais pas vue…
Sophie, éclatant en sanglots _ Il y a trop de brouillard, et la nuit tombe, nous n’aurons jamais le temps de rentrer avant l’obscurité totale.
Adam _ Sophie, nous ne sommes pas loin, tu sais…
Il la prend dans ses bras.
Irme _ Elle a raison. La nuit tombe. J’ai peur, moi aussi, que nous restions coincés au milieu de nul part. J’essaye de retrouver mon chemin depuis plus d’une heure, et aucun de mes recherches n’a abouti jusqu’à présent…
Adam _ N’exagérons rien. L’horloge a sonné six heures il y a peu. La poussière du chemin continue de se répandre ; ça signifie que des gens passent encore…
Irme _ Des gens, oui, mais il faut voir qui ! J’ai croisé un type complètement fou, tout à l’heure.
Sophie _ Fou ? (Elle tremble)
Adam _ Un moribond… Il y en a tant ces jours-ci, ce n’est rien. Ils ne sont jamais dangereux. Vous venez de quel côté, mademoiselle?
Irme _ Là-bas, à la fin du chemin, il y a un champ. Je l’ai traversé pendant toute la journée. Je n’ai jamais vu un champ si grand. Moi aussi, je viens pour les moissons.
Sophie, froidement _ Nous ne venons pas pour les moissons. Nous sommes là à cause de l’usure de nos vêtements.
Irme _ L’usure de –
Adam _ J’entends quelqu’un.
Sophie _ Ne restons pas là !
Irme _ Il y a quelqu’un ?
Un homme surgit, derrière Sophie. Il lui attrape le bras.
Galaad _ La bourse ou la vie !
Sophie s’évanouit. Adam se précipite sur eux, Galaad recule.
Galaad _ Je… Je plaisantais.
Adam prend Sophie dans ses bras.
Irme _ Vous plaisantiez ?
Galaad _ J’ai entendu votre petite conversation… Je voulais tourner les faits en dérision. Pardonnez-moi.
Irme _ Vous avez un sens de l’humour très particulier, monsieur.
Adam, en aparté _ Ne l’énervez pas. Réveillons Sophie, et partons d’ici.
Galaad _ C’est l’expérience de la création. Ca rend un peu facétieux… Ou un peu joueur, je ne saurais dire.
Adam _ Sophie? Réveille-toi, mon amour…
Irme _ Il vous arrive souvent d’effrayer les pauvres gens ?
Adam, en aparté _ Ne l’énervez pas, ou vous aurez affaire à moi ! C’est un fou
Irme _ C’est ça ! Je vous reconnais ! C’est vous que j’ai croisé tout à l’heure. Vous aviez l’air d’un fou…
Galaad _ C’est à cause de ma quête. Je tremble à l’idée du vieillissement, du durcissement qui envahit ma pensée. Je cherche l’éternelle jeunesse de la pensée. C’est mon Graal personnel. Considérez-moi comme un chevalier, si vous le voulez ! Si vous le pouvez…
Adam, stupéfait _ Un chevalier ?!
Sophie frémit, commence à bouger.
Irme _ Votre amie se réveille. Son corps semble être pris de frissons.
Sophie est en effet comme possédée par des secousses répétées. Elle ouvre les yeux d’un coup.
Sophie _ Le graal ! Oh mon dieu. Je crains la mort. Partons ! Partons d’ici.
Elle se lève d’un bon et se précipite dans le brouillard.
Adam _ Sophie ! Sophie !
Il la suit.
Irme, à Galaad _ Mon cher, tu es allé un peu loin, cette fois, mais ça peut nous mener quelque part. Ne leur dis rien encore, s’il te plaît.
Galaad _ Nous nous connaissons ?
Irme _ Moi, je sais qui tu es…
Elle disparaît dans le brouillard, du même côté.
Galaad _ Et il paraît que c’est moi qui suis fou. Il n’y a plus d’époque ; voyez vous-même…
Il disparaît du même côté.
Acte II scène 3
Aurélie Rauzier