top of page

La porte au pont

Lila Graldi

Dans le jardin ici il y a une plante, un arbre, qu'il ne faut pas toucher parce que les épines sont vénéneuses, dit-on. Une piqure vaut six mois ou plus de plaie, de soins...

On ne sait pas bien où peuvent tomber les aiguilles, si bien qu'il y a tout un pan de jardin dont il vaut mieux ne pas s'approcher trop près, apparemment.

Cet arbre maudit me regarde la nuit et me pousse à la question. S'il est si dangereux qu'on le dit, pourquoi l'avoir planté, pourquoi est-il si agréable à regarder, si difficile à laisser?

 

Il est immense, sombre comme un cèdre, massif comme un cyprès.

En rêve, n'y tenant plus, je l'ai approché.

 

Il y a d'abord une porte. Derrière la porte, un jardin. On a pas le droit de franchir cette porte, dit-on. Mais je me jette dessus, passe de l'autre côté. En face de moi, la porte est devenue miroir. Pour avancer, on passe désormais de miroir en miroir. On peut arriver ici ou là, tout pénétrer, sans qu’il lui soit possible de constituer une barrière, ou frontière : les miroirs n’ont pas de portes, ou de serrures.

Contre le reflet, gondolé, ténu ; devant une bordure on aperçoit, qui s’y adosse, une centaine de visages, une multitude colorée et animée ; tout ceux qui voudraient pénétrer chez soi à travers des angles réfractés. Lorsqu’on essaye d’atteindre le verre pour les regarder dedans, on se heurte, dessous et devant, à ces figures de la taille de poupées animées, mais poser le doigt sur la glace souligne la distance évanescente entre eux et soi de l’épaisseur du verre tain.

 

 

A cet instant, la véritable structure de la pièce apparaît : c’est un cube, dont il ne reste que les arêtes. Des arrêtes épaisses au point que nous pouvons tenir dessus assis.

Alentour, l’espace.

La matière est plastique sans briller, un peu pâteuse, blanc cassé sans être brune. Nous pouvons à présent bouger tout le long des quatre arêtes inférieures horizontales. Les gens se tiennent semés sur la matière, ou assis les pieds dans le vide.

Je me promène le long des arêtes, veillant à ne pas tomber. Ailleurs, c’est le vide ; l’espace, sans pouvoir s'accrocher. La scène est projetée dans toutes les dimensions. Je vois, en bas, de mon arête, gonfler des dizaines de centaines de milliers de fils de couleurs, la tribu couleur de corps de vie, étincelants, et parcourant l’espace.

Partant d'en bas d’en bas, de l’horizontal, ils vont gagner le vertical. Je les vois, tous, se fondre, rester distincts, projeter des lueurs diffuses, celles qu’on ne voit que dans la nuit et qui pourtant reflètent une autre que la leur. Elle s’entrecroisent en tous sens. Des tranches de vie, que l'on pourrait trancher.

Trancher? Non... Non.

C’est magnifique, mais trop intense, c’est insoutenable – il faut couper, revenir plus tard. Tant pis pour le fil, et si le moment est cher payé, unique peut-être, je ne peux plus, je ne peux pas… Je veux partir ; je cours.

Je trébuche, tombe, et me retourne. Sur elle.

Elle dit qu’elle est assise au bord du vivre.

 

 

On l'entend murmurer :

 

“C’est la nuit ; j’y vois mieux. Fait froid. Peau. Peau brûlée bord aux doigts, des échardes au clair. Froid. Marcher droit. Bord des doigts, des échardes. Ongles crissent cristaux crissent crise crister chrysalide ; et la mer ? Inerte ou pas les flots, le flux l’eau. Mensonge ! Un songe? Bouge... Bouge, ça tourne, centrifuge à deux mains. Le cœur, cœur arraché, bord d’œil amer. Amère sueur… Il fait noir. Rage et cage, cage le cœur, colère ou pas. Bouge encore, avance. La nuit vite, ça fait peur, et bouge encore… Oh ça tourne. J’arracherai des falaises, la montagne dort au cœur et brûle. Les mains griffées, les intestins de la montagne à vide, et le sang dort, il dort, il dort… ça pleut dans les yeux, les roses d’un visage à l’esprit, ah - une pierre à saigner, un pas vomi et mou, ou trancher – corps de cri.

Tu ris? Il fait nuit ; nuit. Riant décroisé, la main sort au jour, emmêlée montée à trancher – elle rend dehors. Elle rentre assise sur la peau et ce monde qui s'assoit - sur la peau, ça marque une lame et ça glisse. Pendant ce temps brûle ce sang en mentant, mais silence ! Silence. Creux colère. Cris couleurs et redort. Oui, tu ris. Ecrasée dans la main, de la lumière. Tu ris, tu ris. Tu vois, déchire en bas, ça fuse, folie broie, coule à peur - boue des rires qui volent la voix et restent pâles, pâles au cœur pâles au verre, et défaits pendant, pendant que tu brises tout son corps comme une archive à bras, à bras la mort, protégée ; ah c’est froid. Froid passage – où tu pars. Et brûle sans chauffer, veine effarée, la vérité. La vérité braise effondrée coule en brèche et mensonge, la vérité ronge, c’est à peine si ça dort sur la paume et encore, coule à l’aube, contre l’use et la tienne. Reviens rire dans les yeux, redire c’est une erreur plaquée au cœur cloîtré, danse à détruire les sombres contours ; les yeux viennent de couler. Supercherie et vide éventrés, vite, dépassés, pleurs et forces, perdu. Ca implose à peine renforcé, regret de force, efforce et la colère, affreux. Majesté, majesté, terrible culpabilité, un gendre, gendre d’hier, engendrer majestueux.

Serein du monde, de colère en pudeur, à tuer les lacets des la joie des mains au cœur, voilà un endormi extorqué à la peur… ça brisera des montagnes à rancœur, je fonderai des falaises ; ce miel acide épuré, un cauchemar. A gauche, c’est jaloux, c'est offert au goût ; dénoncez, dénoncez-le, doute à terre, la fin qui voit venir. C’est transperce, c’est tout… Ajouter la peur ? Qui coule à conque à quiconque des espoirs. Vite, vite dit, c’est appris, futile au sang, je ne comprends que fermé, c’est l’ennui, transgresse à la vérité. Sang dans l’eau, c’est mensonge. Un songe ? Il ne veut rien. Dire mais quoi ? On y pense, l’ensemble a du sens. Je commence ; je commence à regarder des goûts. Je regrette. Âpre amertume, artifice, parole à dés a détruit. Rouge propre, noir obéissance, et blanc, puissance ; matière avenir des souvenirs d’à creuser nos cerveaux ; lentes gouttes argent, agents de sang en cristal. Taches à peine, lignes achetées d’enfance, un goût - non. Un vagabond d'eau surglacée, assoupi, un battement de soleil, je respecte a saoûls, sans venimer, aux cires d’orange, l'ombre se crée, la foule à coups de puissants pieds est libre et s’embrasser. J’échine à pomme de lois, de souris à vouloir, le serpent écrasé et l’embrasse. Mourir de rire, dure la gaîté perdue la nuit, vide l’année et debout sous la vie dort sarment quand d’heures de nos stalles j’y ride à l’âge. Déjà l’âme rectiligne est restée assise quelques années. Un serein dans l’œil pur, trop humain d’affamer, le rajout d’un pantois, la terre aura, aura fermé un ferment dans ses gorges - déployer la couleur qui s’allonge. Un goût de fer, tout ce sang. Une main de tombe à la voix claire, j’aurai perdu la tache… L’attache aux poumons, la crue venge et une fameuse aurore repose en principe. J’ai souri, j’ai fini des murs de passer la beauté, trop longtemps simplement d’y lacérer onze fois le souvenir, ça s’embue d’un regard assumé présent d’indifférents. Infiltrer la carcasse, sans abtint et l’esclandre. Derrière honte longue excuse, et voulu appelle perdu, éclairée d’en mémoire, la tare.

Mon iris éclaté dans la nuit, un poignard d’océan à bercer

Je suis - le treuil - de limbes - courantes.

Compromis! Compromis. Compromis... promis ; promis. Promis! Promis. omis ; omis - omis omis ; omis omis omni omni omni omni honni honni honni nie nie nie nie ni ni ni ni ni ni ni ni ni ni ni ni.

Parle-moi des combles !”

 

Il lui faut une ressource dans la peau, elle a faim, elle a faim, cette fille-là. Des abrutissements de feuilles d’automne roulent sur sa faim. Un empire qui afflue, c'est amer toute cette eau, toute la vie est en pièce, une lame commence à couler dans la tête, un miroir d'eau sans bord.

Une plume dans la fontaine, les doigts ouverts en morceaux de verre, un sablier. Les grains accrochés, la peau, le gout de l’eau. Il y a un ocean étalé la nuit, les bruits ; elle éventre la lumiere. Des circulaires de phares, un flash du rivage, retombe, à l’envers, la nuit qui s’assied. La langue qui s’etale dans les doigts, couverts dans les limbes, elle a dechiré les yeux et elle rit, elle rit, à la folie. Elle se met les yeux dans la bouche, la porte sur les lèvres, l’absence de son visage. Elle troue les lignes des rues, elle est toujours là, et elle écoute ; elle ne sait pas jeter l’ordre par la porte. Elle s’enfonce dans des barques au milieu des rails ; elle attend de voir la gare basculer, l’etole de la lune de verre dans un cœur ou ventre ouvert. Elle a la nuit dans les yeux maintenant, et elle veut savoir son gout, elle veut savoir. C’est monstrueux que cette danse de la faim, et c’est deja vivant, c’est mordu dans son sang.

Et elle qui court dans des vallées étrangères. Elle n'arrête pas de répéter qu'elle a enlevé tous ses visages et qu'elle est comme folle. Elle dit qu'elle ne peut plus arrêter de bouger. En courant elle avait avancé, croyant qu'elle pourrait s'arrêter quand elle le souhaiterait. Quand elle a voulu reprendre son souffle, elle ne pouvait plus arrêter de trembler, elle ne pouvait même pas respirer. Elle brûlait tout son corps, mais son corps même ne voulait plus répondre. Elle avançait sur elle-même, épuisée, et elle regardait au loin.

C'est le crépuscule.

Tout est un peu désolation et destruction. Ca flambe, et puis pourrit. La moisissure mange les flammes, et le sang approfondit la violence, en peignant le visage des fleurs d'un intense à la haine sans pareil.

 

Alors j'ai su - c'est mon entrée forcée à la porte qui a détruit le jardin.

Il restait magnifique tant qu'interdit.

On ne pouvait pas entrer dans ce jardin si brusquement et le laisser vivre en même temps. Il fallait écouter l'avertissement des épines empoisonnées. Maintenant, il ne reste pourant qu'une chose : reconstruire des formes de ces ruines.

Il faut ressortir, pour commencer.

bottom of page