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Le dernier Général

Le matin, une certaine pluie venait annoncer un message sur. Les corbeaux vrillaient dans le ciel de dieu, on entendant les hiboux hululer depuis les forêts, les chacals se rapprochaient de la ville : Le Général est mort ; son lion a rendu l’âme dans la nuit. Les tambours s’étaient mis à battre dans toutes les contrées, il fallait laisser la nouvelle changer de langue pour que les oreilles en soient subjuguées. Lui longtemps l’homme fort, le grand malade, la sentinelle de la nation, l’autorité efficiente et suffisante, le fumeur de cigarettes classiques, la corruption incarnée. Les missives circulaient dans tout le pays, et le commun des gens s’était fait crieur publique : échos en échos, les médias s’en étaient mêlés sans preuve nécessaire à part la rumeur des bouches faciles ; et c’est ainsi que l’histoire précède l’information dans nos pays. Le message n’avait tenu que quelques heures pour être certain et tout le monde en était maintenant sur : la télévision avait même maintenant sorti les images du lion mort, et le corps mort du Général restait invisible, sauf ses gardes du corps et son état major qui déambulaient comme un proscenium devant le cercueil en bois de baobab qui lui servait désormais de dernier bunker. La population semblait attrister de la nouvelle, malgré les humiliations subies, les hontes bues de la misère crue : galère générale, coupure générale, tout est général, même le président est général. L’on se préparait maintenant au chaos que laisse la mort d’un lion, le pays allait-il s’écroulé sous le poids de la cupidité des grands qui jouaient déjà aux bras de fer dans les camps militaires, ou la force des faibles allait-elle déclencher une ère nouvelle, intelligente et prospère. Personne ne savait dire la suite. D’abord il eut les fastes funéraires, ou les hypocrisies brillaient sur les faces des prétendants quand les épouses du défunt pleuraient encore : les galonnés et les costumes cravates, tous salops, démon. Puis, comme à l’accoutumée, l’armée décrète le comité de salut publique ; n’est-ce pas comme ça que Lui le général mort s’est installé au pouvoir après la mort de notre grand guide suprême. Le deuil national durait 40 jours, mais dans les coulisses du pouvoir situées dans les salles sécrètes de la junte militaire, il dura deux jours : un jour pour enterrer le général, un jour pour couronner un Général. Mais cette fois l’armée était devenu démocratique, tout devait se passer dans la paix, la grande marche vers le progrès en avant marche et vive la nouvelle république : après des élections au sein des bérets rouges, ce qui ont vu et écoulé le sang, un petit lieutenant bavard et sérieux, à la langue détonante fut à la surprise générale l’heureux élu. Mais il dû se nommer général pour être à la hauteur des manettes du pouvoir. C’est ainsi qu’on accéda à la troisième république. Mais cela ne durera pas. Personne ne savait dire la suite.

 

Le Président Général (s’annonçant depuis sa décapotable) : Guinéennes et Guinéens (il laisse passer l’hymne du pays). Le Général Dodo est mort dans la nuit du vendredi saint. Que dieu le clément et miséricordieux préserve son âme en paix. Nous l’armée nous décrétons un comité de salut publique pour que la nation ne sombre pas dans la gabegie et la maffiosi des hommes chacals. Il faut préserver à tout prix l’intégrité nationale, la paix et l’entente de tous les guinéens qu’ils soient soussou, peul, malinké ou forestier. Le comité de salut public que ma personne dirige constituera un gouvernement d’union nationale dans les 40 Jours à venir, afin de préparer à la démocratie et au développement. Ce gouvernement aura la lourde responsabilité de sauver les citoyens d’un chaos annoncé : je suis socialement de Basse Côte, économiquement peul, courageusement de la savane, écologiquement de la forêt, et nationalement de Guinée. Et je ne resterai au pouvoir que le temps d’une courte transition pour reformer les institutions en vue d’élection libre et transparente. Une nouvelle ère arrive inéluctable : le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ; et nous l’armée nous devrons rester dans les casernes prêt à assurer la sureté et la sécurité de l’Etat. Aussi nous décrétons 40 Jours de deuil national, chômés-payés pour honorer la mort de notre éternel Général. Vive la Guinée : Travail ; Justice ; Solidarité

Pendant 40 Jours, les gens ont pleuré, blagué, prier, manger, sacrifier pour le fétiche, dit tout, n’importe quoi ou presque. Dans le pays on parlait politique dans les bars. On cherchait l’homme qui pouvait incarner le Changement, radical et rapide : restituer la palabre, le droit pour tous à la parole, concilier les opposants et les opposés, éliminer les narcotrafiquants, éliminer la corruption, et les chiens errants dans la ville, rendre la ville propre, donnez l’électricité aux capitales, et pour quoi pas aux villages, le grand sage, l’homme intempestif, l’autorité pure et naturelle. Ce fut le moment de toutes les supputations. Mais par delà tout, l’on se demandait qui était ce Général Féfé, le nouveau président Général. Son discours semblait plus sincère que celui qui l’avait précédé : allait-il nous rendre la gloire d’antan, transformer le pays et lui rendre du sang neuf, la démocratie triomphante, la grande marche vers le progrès, la Ci-vi-li-sa-tion.


Le Président général (à la télé): Guinéens et Guinéens (il laisse passer un rythme martial). L’heure n’est plus aux promesses idiotes, à la pompe éhontée, l’heure est au renouveau. Le chemin vers la démocratie et le développement est long et semé d’embuches. Mais la rotation de chacun, fait la révolution de tous. La Guinée est un pays mordu par un serpent au remède difficile. Il nous faudra de l’ardeur pour arriver à éliminer toute la vermine qui pullule comme des anophèles qui font stagner l’eau de notre ruisseau. Les 40 jours de deuil sont éculés, maintenant il me reste 60 jours d’état de Grâce, pour redorer le blason de notre chère patrie. En organisant les premières vraies élections dans notre pays, sans un militaire sur les listes. Voilà des aujourd’hui la liste de mon gouvernement : Le président Général Féfé, chef des forces armées et premier ministre, le général Cona ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, le général Barba ministre de l’économie, des mines, de la pêche et de l’agriculture, le Général Kassamba, ministre des travaux publiques et du trésor. Monsieur Morris, ancien journaliste, secrétaire d’état à l’information et la communication, ministre de la culture et de la jeunesse. Le capitaine Soumaoro, secrétaire d’état contre les narcotrafiquants et la maffiosi etcetera etcetera, et le capitaine Felinko, ancien sergent, secrétaire d’état en charge de la sécurité du Président général . Ce gouvernement a pour mission de redresser le pays, selon une feuille de route que j’ai scrupuleusement élaboré : la nationalisation de toute puissance industrielle, la modernisation de l’administration, la restructuration de l’armée en horde sauvage, l’adoption in fine de mesures sociales pour relever le peuple de Guinée. Vive la Guinée : travail ; Justice ; Solidarité.

L’homme était en effet socialement de Basse côte, le pays des soussous aux poches vides, à la langue urbaine ; économiquement peul, il voulait récupérer la force du capital ; courageusement de la savane, il bondissait tantôt sur son siège, comme un lion agité et épris du désir de commander les destins ; écologiquement de la forêt car il partageait l’idéal d’un pays reclus, qui laisse place aux valeurs de pousser. En effet il était. Et il était aussi très surement de gauche, béret pointé à gauche, tenue militaire un peu gauche ; aussi très surement de droite, pour l’ordre et les programmes d’ajustements structurels ; aussi très surement du centre : pieds gauche au foot, main droite au basket, petit et délinquant. L’armée au pouvoir personne ne savait dire la suite.

Le président général (à l’antenne dans le Prési-chaud, juste le soir avant le Crazy show, qui met la parade et l’ambiance africaine) : Guinéennes et Guinéens (on entend le jingle de l’émission). Le drame de notre pays est quand courant, personne ne sait où l’on va. C’est le règne du népotisme, de la gabegie financière, des détournements de fonds publics et privées, la république bananière. Nous allons débarrasser le pays des abeilles qui ponctionnent son miel : Monsieur Untel, ancienne férule du PUP, le partie du Général mort et enterré et toujours vivant, a durant des années piloté les trésors publics et s’est comporté comme un écureuil avec ses noix : il a bu, manger, batis chateaux, merveilles et folies avec les mannes des guinéens, nous le condamnons à la prison de remboursement et la saisie de tous ses biens, y compris ceux de ses épouses et de toute personne de sa famille ou connaissance. IL en va de même pour la liste qui va suivre. Quant à Monsieur Jakité, ancien caporal qui a rejoint le camp des civils, nommé par mon gré à la tête des douanes, nous le condamnons à réclusion pour avoir oser des revendications partisanes, qui sème la zizanie si les citoyens les écoutaient. Enfin, Monsieur Sidibé, professeur à l’université de Conakry, sera demis de ses fonctions pour incompétence, au profit du Colonel Koffou, qui revient d’une session de formation en Allemagne, il aura pour mission de redresser la jeunesse vers la vertu et les idées progressistes et les valeurs patriotistes. Nous allons également rompre le talon de fer de la république bananière : Conakry n’est pas une préfecture de la France. Il faut rendre à la Guinée les couleurs de son drapeau, et s’il faut, même si je ne suis pas assoiffé de pouvoir, à qui le veut, je resterai pour poursuivre cette occasion de Reconstruction nationale. Vive la Guinée : Travail ; Justice ; Solidarité.

Le pays applaudissait et à la fois tremblait. Beaucoup croyait à l’avènement d’une prophétie, le Christ était revenu pour juger les hommes, l’euphorie et le comique gagnaient les ménages, qui n’avait toujours rien gagné, mais qui restait stupéfaits devant les réprimandes de Féfé le Général. Cependant, certaines voix défiantes se méfiaient de ce Général aux méthodes de Colonel, de ce colonel aux allures de capitaine, ce capitaine aux études de sergent, de ce sergent au langage de bandit. D’ailleurs certains faits au vu et au su de tous, commençaient à trahir cette heure de rédemption : les militaires contrôlaient désormais toutes les fonctions régaliennes de l’Etat, des finances publiques à la bière dans les bars, de l’assemblée nationale comme le nez dans la poudre, dans les mines comme les garages publics. C’était la JUNTOCRATIE. Et le général avait haut gradé toute l’armée, introduit des gens de son clan et de sa tribu, une horde sauvage qui roulait en 4X4 dans les entres de la ville, et les entrailles des prostitués. Le palais présidentiel de Sékoutouréya, qui porte le nom de notre premier président, fut délocalisé au Camps Almamy Samory, notre dernier empereur. L’homme doté d’une fougue inébranlable jugeait tout le pays, réglait les affaires publiques et privées depuis son siège sécurisé. Le peuple commença a douté petit à petit, d’autant plus que l’échéance de Un an pour la Présidentiel défilait sans que Féfé le Général ne renonce au Pouvoir. Lors de sa dernière allocution, il avait même formulé son intention d’abandonner la tenue militaire pour se présenter à une élection civile et sans menace. Le peuple commença à murmurer, la clameur transperça l’embarras, des cordes suspendues aux cous, des fusils qu’on arrange, de l’essence dans les marmites, de l’encens dans les yeux des partisans d’un monde à restituer. La jeunesse qui l’avait soutenu, la jeunesse le lâchait le premier, comme un rêve avorté. Une grande manifestation des opposants pour le pouvoir et des opposés à sa candidature éclata. Vive la Guinée : Travail ; Justice ; Solidarité

Le président général (à la radio) : Guinéennes et guinéens (on entend des rafales, des tires). On vient de m’apprendre une nouvelle triste : une horde d’opposition a voulu mettre la république à sac, passant outre l’autorité de l’état. La manifestation du 28 septembre tristement couronnée d’un laurier d’éphémères babillards. Oser me défier : moi le grand sauveur, la sentinelle de la nation, moi l’élu du cœur de se peuple, le grand destiné. La république a été saboté et je soupçonne une bande de costumes cravates, de maffiosi derrrière ses manigances machiavéliques. Le nécessaire sera fait pour élucider cet évènement. La république tient bon, en avant marche, la grande route vers le progrès et la science, la Ci-vi-li-sa-tion. Vive la Guinée : Travail ; Justice ; Solidarité.

La manifestation fut réprimée dans le sang. 2X100 défunts. Les bastons. Le canons des fusils dans les corps. La boucherie. Les concussions. Les sacrifices. Le Bétail. L’impunité. La punition sévère des bottes de fer. Le chambardement. La désolation. Le capharnaüm. La chienlit. La piste. Les gardes à vue. Les soumissions. Les humiliations. Les vengeances. Les sodomies non lubrifiées. Les pendaisons. La torture. La pince à ongle. Les Bâillonnements. Les exécutions. Les sommations. Les silences. Les tirs et les rafales. Les Baisers forcés. Tout l’amour fusillé dos à dos de face et en rang en ordre dans le désordre. La folie du grand écart. Le bain de sang après le bain de foule et tout ce que le bain n’arrivera jamais à effacer. Mais la république tient bon, en avant marche, pour le progrès, la science et la Ci-vi-li-sa-tion. En avant Vive la guinée : Travail ; Justice ; Solidarité.

Le président général (en interview à une radio étrangère): Guinéens et Guinéens (...). On m’annonce que l’opposition à fait honte. Une réunion de petits joueur surpris en train de fomenter vient d’être arrêter : Monsieur Sansy, ancien premier ministre et homme de lettres, houlette d’un mouvement arnoco-barbouzard. Les puissances planétaires qui les soutiennent veulent me liquider : moi le grand sauveur, celui qui a tout fait, et refait la guinée à ,son image. Les déséquilibristes veulent nous mettre à bas. Mais la république tiendra bon. Vive la guinée : Travail ; Justice ; Solidarité.

Féfé le Général était maintenant désavoué de tous : de l’intérieur, ou il était vu désormais comme un tyran, de l’extérieur où il passait encore pour un héros. Le révolutionnaire était désormais devenu un suppôt de satan : On disait méchamment Féfé l’égorgeur, sous les sanglots Féfé le violeur, prudemment Féfé l’homme du Stade. Le president général était devenu le problème général, la honte générale, la trahison générale. On voulait sa peau. Après l’avant-garde de la jeunesse, le gouvernement commençait à se désister. D’abord, Monsieur Morris, ancien journaliste secrétaire d’Etat à l’information et à la communication, ministre de la culture et de la jeunesse, fit le premier une déclaration au journal pour rendre sa démission, il termina sa déclaration par ce chant. Comme s’il savait la suite :

Liberté

 

Le passé historique

 

De nos frères

 

Morts au champ d’honneur

 

Fier chante l’unité

 

Liberté

 

C’est la voix d’un peuple

 

Liberté

 

A se recouvrer

 

Liberté

 

Eia

 

Liberté

 

Alléluia

 

Liberté

 

Allahakbar

 

Liberté

 

Eia

 

Alléluia

 

Allaakbar

 

Liberté

 

Le soleil est vert

 

Liberté

 

La lune est jaune

 

Liberté

 

Les étoiles sont noires

 

Liberté

 

Liberté

 

Liberté

 

Liberté

 

Dit le coq à l’âne

 

Liberté

 

Le fétiche vous salut

 

Liberté

 

Liberté

 

L’aurore est primordiale

 

Liberté

 

Pour le fils canaille

 

Liberté

 

Pour la femme qui éclaire

 

De la veilleuse de son cœur

 

Qui réchauffe

 

Du charbon de ses yeux

 

Qui nourrit

 

Du lait de son sourire

 

Liberté

 

Pour le père Goriot

 

Le père griot

 

La bibliothèque qui brûle

 

Liberté

 

Pour la bienveillance psychédélique

 

Pour l’agonie qui se régénère

 

Pour l’amertume qui se placebo

 

Pour la syntaxe sans taxe

 

Pour la synthèse sans thèse

 

Pour la santé féroce

 

L’envie de vie

 

La décision qui troue le nombril

 

La métaphysique sans physique

 

Les métaux précieux aussi

 

La mendiant qui a oublié

 

Le diamant dans sa poche

 

L’aventure éclairé du fou

 

Liberté

 

Pour le peuple aux mille fontaines

 

La fable de l’histoire

 

L’histoire de la fable

 

Le falbala qui reprend ses droits

 

Sortons les boubous des malles

 

Les babouches sous le lit

 

Que les fleurs trouvent leurs mâles

 

Que les mâles trouvent leurs fleurs

 

Que les fleurs sentent la clameur

 

Que les mâles cultivent le jardin

 

La pluie

 

Dans la mer

 

La mer

 

En or

 

L’or

 

Dans dans les marmites

 

Les marmites

 

Sur le feu

 

Le feu

 

Dans nos yeux

 

Nos yeux

 

Dans la forêt

 

La forêt

 

Dans la case

 

La case

 

Dans la ville

 

La ville

 

Au bord de l’eau

 

Les chiens vont se taire

 

Et on pourra

 

Manger le mouton

 

Avec l’innocence de l’agneau

 

Liberté

Ce chant raisonnait comme les douze coups de minuit. Le désir de liberté était mis au grand jour. Et la mort prochaine du général était déjà annoncée par les bouches faciles. C’est ainsi que l’histoire précédait l’information dans nos pays. Le conseil des généraux qui s’était réuni en l’absence du Président Général, en visite officielle au Burkina Fasso. Le Général Féfé, Féfé l’homme du stade, était devenu encombrant, un Problème général, comment pouvait-on arriver jusqu’à ce stade du pouvoir, le pouvoir pour les généraux était lui-même devenu encombrants : des finances publiques à la bière dans les bars, de l’assemblée nationale comme le nez dans la poudre, dans les mines comme les garages publics. A son retour de visite, le Président Général Féfé fut accueilli d’une balle dans la tête. Comme le disait la légende des bouches faciles : il faut sacrifier une tête de général pour que la Guinée retrouve la devise : Travail ; Justice ; solidarité.
Le matin, une certaine pluie venait annoncer un message sur. Les corbeaux vrillaient dans le ciel de dieu, on entendant les hiboux hululer depuis les forêts, les chacals se rapprochaient de la ville : Le Général est mort ; son lion a rendu l’âme dans la nuit.

La bataille des sans gants

Après de mois de tractations entre le Conseil des Généraux et le Comité national de la transition, il fut signé que l’armée se retirait et le pouvoir revenait aux hommes sans uniformes : les costumes cravates, les boubous qui trainent leurs couleurs, des professeurs en politiques, des docteurs en démocratie, des chemises à manches courtes, des vestes à quatre poches, des étudiants à peine sortie des bancs, des autorités coutumières récemment alphabétisées, des intellectuels qui ont monté la manifestation du stade, de toute sorte d’avatar déterminé à conduire le pays vers le Progrès, les reformes, les accords, la grande marche vers la Ci-vi-li-sation. Les Généraux eurent une retraite bien méritée en emportant dans leurs paradis fiscaux les caisses de l’Etat : ils avaient pris le soin de vider toutes les banques y compris la banque centrale, avant de sombrer dans l’oubli médiatique, le dernier casse consenti par faiblesse : le prix fort de la civilisation du pouvoir, et c’est comme ça qu’on advenait à la 4ème République. Une bande de maigres, de petits bras et de têtes remplies se disputait déjà la fonction présidentielle. Les mots avaient changé mais ils cachaient tous les mêmes contenus, les institutions furent renommé mais chacun avait pris le soin d’y placer ses suppôts en vue de transformer l’élection présidentielle en sa faveur : les militaires étaient partis, mais des mains étaient toujours prêtes à vider et remplir les urnes. Que la caque sente toujours le hareng, il n’y a là rien de sa faute. Le plus dangereux, est qu’en courant personne ne savait où aller : l’ethnisme triomphait de plus belle en politique. Les élections étaient dans leur déroulement, avec un tourbillon d’angoisse et de résurgence génocidaire : machettes aiguisées, fusils qu’on arrange, de l’essence dans les marmites, de l’encens des partisans d’un monde à restituer. La jeunesse était divisée, sans qu’il n’y ait de droite ou de gauche car les candidats n’avaient déclaré aucun programme de transformation, et la campagne tournait à l’idolâtrie, à la vengeance, à la vanité et aux règlements de compte. Ce qui était sur et acquis désormais dans la nouvelle constitution, c’est que l’armée et le pouvoir font deux. Vive la 4e République, vive la Guinée : Travail ; Justice ; Solidarité.

Alpha : Peuple du Mendingue, je vous salue. Vous qui êtes la voix sage de ce pays, la contrée des ancêtres braves, circoncis, et légendaires, je vous salue. Vous l’honneur de la nation, l’ethnie de la savane ardante, je vous salue. Vous l’élite intellectuelle, je dis que le pouvoir nous appartient. Moi qui suis le Nelson et le Mandela de ce pays : cent fois arrété, 50 fois condamné, 25 fois emprisonné ; quinze fois grâcié, et 5 fois torturé, je dis que le pouvoir me revient de droit et de devoir. Moi le professeur de droit, sorbonnard et candidat d’opposition de toutes les présidentielles que ce pays a connu, je dis que j’ai le lourd devoir de conduire cette Guinée au Changement. Et croyez moi ce n’est pas une tache à la hauteur de tout le monde : j’aurai à hériter d’un pays et pas d’un Etat, car les caisses sont vides, il faudra renflouer, je ne sais encore comment. Vive la 4eme République et Vive le Changement : Travail ; Justice ; Solidarité.

 

Sélam : Nous les peuls, nous le Fouta prospère. Nous le peuple assassiné et toujours opprimé : bléssé, humilié, usurpé, honteusement mis à la porte. Nous les peuls, le poumon économique de ce pays : les détenteurs de terres riches du Fouta, nous la Belle de Guinée, nous la majorité démographique, nous les éleveurs de bétail, nous les taxeurs : je dis que le pouvoir a longtemps et même toujours n’appartenu qu’aux autres. Il est temps de rendre à César ce qui est à César. Le gouvernement du peuple, sera gouvernement par les peuls et pour les peuls. Vive le Fouta, pays du soleil levant.

 

Sidy : Moi le Soussou Riche et Chéri, le fils légitime de ce pays aux quatre mères et un seul père, je dis que l’heure est à la réconciliation nationale. Ce peuple à trop longtemps et même toujours souffert à cause des querelles intestines et de l’instrumentalisation de ses différentes composantes sociales. Le pouvoir des civils doit être un pouvoir civilisé, loin de toute menace d’éclatement national pire de guerre civile ou le frère prend le couteau contre son frère. L’occasion nous est donné de donner un visage nouveau à ce pays, ne le perdons pas de vue. Le premier volet de mon programme vise à la Réconciliation nationale, qui n’est pas réconciliation autour d’un homme, mais réconciliation autour d’un projet national. Pour avoir été Premier ministre sous l’ancien régime, j’ai déjà montrer ma volonté et ma capacité à transformer la guinée en un pays émergent aux valeurs historiques : Je veux donner du Travail aux Jeunes, assurer le respect des lois et la fin de l’impunité, et mettre en place des mesures d’assurance et de solidarité sociale : vive la jeunesse qui travaille, le pouvoir juste, et la solidarité générale.

 

Kona : Vive l’Afrique moderne et Panafricaine. La reconstruction de notre pays est impossible dans un contexte d’enclavement territorial et politique. Notre premier président a été à l’initiative de l’Organisation de l’unité africaine, nous avons le devoir d’honorer et de prolonger ce passé historique. La libération d’un, passe par la libération de tous. La Guinée doit s’ouvrir à sa région, en développant le commerce et les accords avec ses plus proches voisins comme avec ses plus éloignés. Les contrats miniers, trop impoliment en notre défaveur doivent être renégociés avec les puissances détentrices du capital, sous menace de reprise par l’Etat. Toutes les sociétés du pays doivent comporter un capital étatique. Aussi nous récusons la dette et les programmes d’ajustements structurels, comme moyen d’asseoir l’ingérence et le diktat du G20. Vive la Guinée et vive l’Afrique.

Le débat présidentiel tournait au vinaigre : le malinké contre le peul, le réformateur et Panafricain ; deux anciens condamnés pour trahison et deux anciens premiers ministres limogés. Mais bientôt toute la clameur fut focalisée sur la querelle ethnique que les deux premiers candidats avaient orchestrée. Les candidats les plus sérieux et les plus dévoués, Messieurs Sidy et Kona, furent évincés au premier tour. La rumeur des bouches faciles disait que Sir Sidy avait été vidé de ses voix dans beaucoup de régions, notamment de l’intérieur. Cette fois, c’était le duel annoncé : entre deux hommes détonants du désir de commander les destins. Vive le Changement contre Vive le soleil levant. La grande marche vers la Ci-vi-li-sa-tion.

Monsieur Alpha : Peuple du Mendingue, je vous salue. Vous qui êtes la voix sage de ce pays, la contrée des ancêtres braves, circoncis, et légendaires, je vous salue. Vous l’honneur de la nation, l’ethnie de la savane ardante, je vous salue. Vous l’élite intellectuelle, je dis que le pouvoir nous appartient. Moi qui suis le Nelson et le Mandela de ce pays : cent fois arrété, 50 fois condamné, 25 fois emprisonné ; quinze fois grâcié, et 5 fois torturé, je dis que le pouvoir me revient de droit et de devoir. Monsieur Kona a rejoint nos rangs, il sera premier ministre à mon élection. Vive la nation arc-en ciel et Vive le Changement !

 

Monsieur Selam : Nous les peuls, nous le Fouta prospère. Nous le peuple assassiné et toujours opprimé : blessé, humilié, usurpé, honteusement mis à la porte. Nous les peuls, le poumon économique de ce pays : les détenteurs de terres riches du Fouta, nous la Belle de Guinée, nous la majorité démographique, nous les éleveurs de bétail, nous les taxeurs : je dis que le pouvoir a longtemps et même toujours n’appartenu qu’aux autres. Il est temps de rendre à César ce qui est à César. Monsieur Sidy a rejoint nos rangs, il sera premier ministre à mon élection. Vive le Nouveau Monde et Vive le soleil levant.
 

Après les meetings à l’intérieur et à l’extérieur du pays, auprès de la diaspora, après les sacrifices de bœuf , de singes et d’enfants albinos, après les prières et les bénidictions à la mosquée et à l’église, le deuxième tour se déroula dans une houle de déferle et un climat de peur et de crispations dangereuses : machettes aiguisées, fusils qu’on arrange, de l’essence dans les marmites, de l’encens des partisans d’un monde à restituer. On fut sauvé in extremis. Le pouvoir avait depuis longtemps été négocié à prix coutant avec les Généraux : Le professeur Alpha fut élu Premier Président dé-mo-cra-tiquement élu de la Guinée. La rumeur des bouches faciles disait que Sir Selam avait été arnaqué, les urnes braquées, pourtant arrivé premier au premier tour avec sa majorité démographique. C’est ainsi que l’histoire précède l’information dans nos pays. La force des faibles avait elle accouché d’une ère nouvelle, intelligente et prospère ? Personne ne savait dire la suite. Vive le changement, la grande marche vers le progrès, la Ci-vi-li-sa-tion : en avant marche !

Il chante l’hymne nationale.

100 jours de palabres

Facinet Cissé

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